"U" comme Urbains
Je l’avoue : certains jours, le défi de trouver un thème associé à une lettre de l’alphabet se révèle fort compliqué. J’ai plusieurs années de A ou de B. Le W ne m’inquiète pas, il y aurait même pléthore. Mais le U…Encore un peu et je prendrais Urticaire.
Si encore on le faisait en anglais, on pourrait prendre « unnamed » ou « unknown » ce qui nous renvoie à ces fins de branche où il est impossible de continuer. Mais voilà, nous sommes francophones(1).
C’est là qu’en y repensant, la ville s’est imposée. Urbs. Dans mes manuels scolaires, conçus au milieu du XXè siècle, on me parlait d’une France rurale(2). Et c’est vrai : jusqu’à l’époque de la seconde guerre mondiale, le pays est d’abord peuplé d’agriculteurs comme il l’a été depuis de toute éternité (au moins depuis que l’on peut parler de pays). Sauf que j’ai beau chercher, je dois aller loin pour la rencontrer cette France(3) rurale chez mes ancêtres.
De mes quatre arrière-grands-pères, aucun n’est agriculteur ni n’exerce un métier directement lié au monde rural : un ingénieur gersois qui finit ses jours à Paris, un « journalier » de Flines-lez-Râches qui est dit garçon brasseur en 1925, un batelier né à Pontoise mais bien originaire du Nord et enfin un boulanger de Marchiennes, tréfileur puis épicier. Quant aux arrière-grands-mères, les actes d’état-civil ne donnent d’indication sur un métier, au mieux, que lors de leur mariage. Mon arrière-grand-mère parisienne, épouse d’ingénieur n’a d’autre activité que «managère» dans les actes d’état-civil et elle est dite « sans profession » à son mariage. Je trouve une couturière à Flines: sans grande surprise elle était l’épouse du garçon brasseur qui fut aussi journalier ou domestique. Je note que lors du mariage de sa fille, ma grand-mère donc, elle est rentrée dans le rang et dite ménagère. De mon arrière-grand-mère batelière, on peut penser qu’il s’agit bien d’un métier : on n’en dit rien à son décès mais à son mariage, elle est bien dite batelière sans que l’on sache vraiment si c’est un métier ou un état. Quant à la dernière de mes arrière-grands-mères, elle est dite « sans profession » à son décès mais elle est couturière à son mariage, elle aussi. En tout état de cause, rien d’agricole.
Il me faut remonter d’une génération pour trouver un cultivateur (en 1867) mais le même Adonis Delval est dit menuisier un peu plus tard (1874). A la même génération, à Paris, j'ai un tailleur de pierres époux d'une concierge: qu'il a-t-il de plus urbain qu'une concierge parisienne?
Bien sûr, si on remonte encore, on va tomber sur des ruraux. Enfin presque… C’est vrai dans le Gers, bien que j’aie peu d’informations et même si les déplacements entre villages poussent à présumer de métiers non directement liés à la culture de la terre. C’est encore plus probable dans l’Oise où certes on trouve des métiers liés à la construction (maçon) mais aussi un autre métier sur lequel je reviendrai demain. Dans la branche batelière, on a bien des professions liées au transport par voie d’eau (et fort tôt) mais on retrouve encore des agriculteurs à Nivelle au XIXè siècle.
Il reste la branche de Marchiennes : et là, aussi loin que je puisse remonter, ce sont des urbains. Il faut remonter au décès d’Honoré Groulez en 1744 pour trouver un journalier. Et encore, on ne dit pas si c’est bien, comme on peut le supposer, un ouvrier agricole. Marchiennes à cette époque est déjà une ville, certes secondaire mais certainement pas un village où chacun cultive la terre.
Ensuite, il y a des artisans, cordonniers puis boulangers. Ce sont des urbains, pas de doute.
- Certains sont même wallons
- Et du progrès que représentaient l’industrialisation et l’urbanisation…
- Et même en cherchant bien, je ne trouve pas d’ancêtre hors de cette France, à l’exception bien sûr des Belges, mais ça, c’est plutôt parce que la frontière avec la Belgique francophone, picarde ou wallonne, n’a rien de très naturel.