G comme Gomtennoga

Publié le par Paddygenéalo

Pour le « G », j’avais naturellement pensé aux Groulez. Seulement voilà, ce 8 juin 2017 est le centenaire du torpillage du Séquana à propos duquel existent ici déjà plusieurs posts. Alors j’ai mis en avant le nom d’un de ces malheureux tués sans avoir même combattu, victimes du naufrage d’un navire reconverti en transport de troupes qui a croisé le chemin d’un sous-marin allemand le 8 juin 1917.

Gomtennoga Segdo est l’un des 192 soldats, auxquels il faut peut-être ajouter certains des inconnus qui ont une sépulture à La Rochelle car le rapprochement des matricules ne permet pas toujours de les identifier(1). Mais que sais-je de lui ? A vrai dire, pas grand-chose d’autre que ce qui est écrit sur son acte de décès, dressé à Bordeaux. Il est né à Boutenga Baloum (Ouagadougou) H.S.N(2) et y était domicilié. On ajoutera qu’il était fils de Bila et de Noaga.

Ce cas particulier illustre assez bien les difficultés que l’on rencontre lorsque l’on s’intéresse à ces soldats venus d’Afrique. Si les noms de ses parents sont tout à fait plausibles, ils ne permettraient sans doute pas de beaucoup mieux caractériser le soldat car la tradition orale, après un siècle, a probablement perdu la trace de cet homme mort si loin de chez lui et vraisemblablement sans descendance. Quant aux noms de lieux, on n’est jamais vraiment sûr que de ce qui a été transcrit à l’époque corresponde bien à ce que l’on croit trouver dans la nomenclature moderne(3). Dans le cas présent, il existe bien une localité nommée Boutenga, située à environ 40 km de Ouagadougou, ce qui donc correspond à ce qui est écrit dans le jugement de Bordeaux. Cette fois, ce que l’on trouve dans ce document est identique à ce qui est écrit sur la fiche Mémoire des Hommes. Mais ce n’est pas toujours le cas.

Pour d’autres, cette identification du village d’origine n’est pas possible. Je prendrais comme exemple le cas de Naouma Gouroumga, le n°110 de l’acte de décès. Pour lui, la fiche MdH comme le document de Bordeaux (qui précise Ouagadougou) indiquent Barkoumdba. Seulement, rien de tel dans la nomenclature : le plus proche pourrait être Barkoundouba, situé à 47 km de Ouagadougou. C’est plausible mais comment en être certain ?

Prenons donc le n°83, Kouka Ouidraogo, il est dit né à Boli Salero (Ouagadougou) sur le document de Bordeaux, et MdH a aussi enregistré ce lieu ainsi nommé. Pourtant, rien ne correspond dans ma base de lieux. Le village était-il trop petit ? A-t-il été absorbé par une ville depuis ? Impossible de savoir, du moins sans mener des recherches plus approfondies, par exemple en interrogeant les anciens sur place car après tout il se peut aussi que le nom du village ait été mal compris, ou encore qu’ils s‘agissent de ce qu’on appellerait en France un lieu-dit, qui n’a pas été conservé dans ma base de référence.

Un autre exemple encore, le n°64, Igné Kampaoré qui serait né à Ouavoucé selon mémoire des hommes et à Ouadoucé selon ma lecture du document de Bordeaux. Bien sûr, on peut toujours discuter cette lecture mais la lettre ressemble fort à des « d » dont on peut être certain, comme dans Ouagadougou. Seulement, dans ma nomenclature, pas de Ouadoucé (ni de Wadoucé, ni Ouadoussé) mais plusieurs Ouavoussé… Alors que croire ? Le plus proche est à 27km de Ouagadougou, le plus éloigné à 113 km, avec un autre à 40 km. Impossible de trancher avec les seules informations dont je dispose. Je considère donc que ce soldat était originaire de la région de Ouagadougou, sans plus de précision.

Et l’on pourrait égrener la quasi-totalité des fiches de MdH ou des lignes du jugement de Bordeaux.

Si je tenais à ne pas laisser passer ce centenaire, même au milieu du Challenge AZ, c’est que l’identification de ces soldats fut pour moi une aventure. J’étais tombé, un peu par hasard, sur quelques unes des fiches Mémoire des Hommes, et j’ai voulu en savoir plus. J’ai vite retrouvé la trace du Sequana en cherchant sur internet, son épave est connue et a été visitée par des plongeurs. Mais très vite, j’ai voulu rechercher les noms des victimes de ce naufrage, pour les indexer sur Mémoire des Hommes. Il existait des listes partielles, en particulier sur le site Forum 14-18 que j’ai évoqué lors de mes premiers posts sur le sujet ici.

L’identification de tous les soldats concernés n’était pas simple. Mais un miracle c’est produit : j’ai reçu copie du jugement rendu à Bordeaux(4) le 12 novembre 1919, intitulé « Torpillage du Séquana décès de 189 militaires sénégalais ». Ceux qui étaient présents dans la base Mémoire des Hommes mais pas identifiés l’ont été, ceux qui figuraient sur le document mais pas dans cette base ont été ajoutés.

Il reste les inconnus. La plupart ont des matricules mais correspondent-ils vraiment à ceux de soldats qui étaient à bord du Séquana ? Ce n’est pas sûr.

Ah, oui, un détail: certains pourraient penser que ce n'est pas de la généalogie. Eh bien si, car il est aussi impossible de prouver qu'aucun de ces hommes, parmi ceux venant du Burkina et plus spécialement des Mossis(5), n'est plus ou moins cousin avec mes filles.

 

Première page du jugement rendu à Bordeaux

Première page du jugement rendu à Bordeaux

Quelques liens:

  1. Des confusions entre chiffres sont possibles : on trouve un 74986 et un 76804 parmi les inconnus alors que les matricules des soldats identifiés, et disparus, sont pour la plupart dans la série 7
  2. H.S.N pour Haut-Sénégal-Niger, nom de la colonie à l’époque
  3. Après bien des recherches, je me suis rangé à l’utilisation de la base geonames (www.geonames.org) d’où l’on peut télécharger à un format facilement utilisable des fichiers de lieux par pays avec les coordonnées géographiques.
  4. J’ai déjà évoqué cela dans un post précédent. Précisons que si le jugement a été rendu à Bordeaux, c’est qu’il s’agit du port d’attache du navire.
  5. Les Mossis (le pluriel en langue Mooré serait Mossé) sont l'ethnie majoritaire du centre du Burkina.
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M
Je découvre un pan d'histoire que je ne connaissais pas du tout.... Merci pour nous et merci pour eux..<br /> Très bonne journée.
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