Les mystères du recrutement militaire Valenciennes-Douai
Quand j'ai été convoqué pour aller aux "trois jours" (qui en réalité, du moins à mon époque, n'étaient que "un jour"), c'est le train pour Cambrai que j'ai pris, comme tous les ressortissants de l'arrondissement de Douai.
Alors, quand j'ai commencé à indexer sur Mémoire des Hommes les poilus de mon arrondissement, je pensais avoir à consulter les registres de Cambrai. Que nenni... A partir de 1906, même si selon les Archives du Nord ce n'est qu'à partir de 1908, les recrues du douaisis relevait d'un centre de recrutement particulier, celui de Valenciennes-Douai.
Pour retrouver la fiche matricule d'un soldat, il faut donc aller dans les registres de Valenciennes-Douai. Sauf que pour la plupart des gens, c'est à dire ceux qui ne sont pas autochtones, il n'est pas vraiment évident de faire le tri entre les communes des différents arrondissements relevant du centre de Cambrai (en fait juste celui de Cambrai et celui de Douai, mais ça fait quand même du monde). Je pourras mettre ici la liste des communes, le plus simple est de voir cela dans l'article Wikipedia. Le découpage en cantons est celui d'aujourd'hui, et pas celui qui a servi au regroupement lors des recensements militaires qui intéressent les indexateurs, et que l'on retrourve cité sur les fiches matricules,mais peu importe.
Une autre façon d'identifier l'arrondissement de Douai est d'ouvrir la carte 1J1P et de trouver le paquet vert au sud de Lille.Seules les communes les plus peuplées ne sont pas totalement indexées: Orchies (en cours), Waziers, Somain, Aniche, Sin-le-Noble et Douai (un peu moins de 74000 habitants en tout selon le recensement de 1911). J'ai dénombré 2239 noms aux monuments de ces communes, avec des doublons bien sûr.
Prenons un exemple pour illustrer la façon de s'y retrouver. Au fond, ce n'est pas compliqué. Et puisque c'est en évoquant le cas de Désiré Constant, natif d'Aniche, que l'idée de ce post est venue, regardons un peu sa fiche de Mémoire des Hommes.
On y découvre que Désiré Constant, tué à l'ennemi en 1915 dans la Marne était natif d'Aniche et y résidait probablement à la mobilisation car c'est là qu'on a transcrit son décès en 1919.
Il figure bien à la table alphabétique de Cambrai, mais on voit que son nom est barré.
Et pourquoi donc est-il barré? Eh bien parce que l'administration militaire, bien qu'ayant constitué un registre unique des arrondissements de Douai et Cambrai, relevant habituellement (jusqu'en 1905 et aussi plus tard au XXè siècle) du centre de recrutement de Cambrai a décidé que ceux du douaisis ne devaient plus être conservés à Cambrai.
Et ainsi, pour d'obscures raisons, sans doute éminemment valables à l'époque, un centre Valenciennes-Douai a été créé. De fait les registres concernés ont été transférés à Valenciennes, ce qui a malheureusement pour conséquence que bon nombre d'entre eux ont été détruits, par fait de guerre, alors que ceux de Cambrai sont complets. Lorsque les fiches sont détruites, des registres ont été reconstitués à partir des feuillets de contrôle mais bien souvent, en particulier pour les soldats Morts pour la France, il y a des manques.
Revenons à Désiré Constant. Dans la liste ci dessus, il porte le numéro 779, barré. C'est bien le numéro qui figure sur sa fiche matricule, mais c'est à Valenciennes-Douai qu'il faut aller le chercher, pas à Cambrai comme écrit sur la fiche matricule.
C'est dans le registre 1R 3228 qu'on trouvera la fiche de Désiré Constant, au matricule 779, comme indiqué sur la fiche de Mémoire des Hommes. Le site des AD Nord ne propose pas d'index mais avec un peu d'expérience, on trouve assez facilement la vue qui correspond à la fiche. Dans le cas présent, on cherche le 779 entre 500 et 1000, donc pas très loin du milieu de registre.Il y a 943 vues, donc hop on va à 500 (on arrondit à la louche) et après ça devient assez simple. C'est la vue 538 qui nous intéresse.
Voilà, en fait c'est simple si on a intégré que ce n'est pas à Cambrai mais à Valenciennes-Douai qu'il faut aller chercher.
Toutefois, l'exemple pris ici mène à une "vraie" fiche matricule. Malheureusement, certains registres ont disparu et ne subsistent que des feuillet de contrôle qui ne donnent guère d'information comme le montre l'exemple suivant, celui du soldat Georges Gustave Lecomte, d'Orchies, qui appartient à la même classe et au même centre de recrutement que Désiré Constant évoqué ci dessus.
Enfin, pour être complet, il ne faudrait pas oublier que bon nombre de fiches matricule manquent totalement. On peut même, hélas, constater que dans certaines classes, 1906,1907, 1909 entre autres, l'absence totale de fiche est le cas le plus fréquent.
On se consolera, peut-être, en constatant que dans d'autres arrondissements, Valenciennes et Dunkerque, la situation est bien pire.