Kourou, mort d’un bagnard
Oui, un autre bagnard ! Dans la famille, on ne fait pas les choses à moitié : puisque le bagne de Nouvelle-Calédonie était représenté, il fallait bien que celui de Guyane, plus connu, le soit aussi.
A vrai dire, Pierre Joseph Boulanger n’est pas le plus sympathique de mes cousins généalogiques. Bien qu’à peu près contemporain de l’autre bagnard, il n’a avec lui qu’une parenté très lointaine puisque son père est un cousin au septième degré de Louis Delannoy, avec pour ancêtres communs Jean Descarpentries et Jeanne Mazingue, mes sosas 2622 et 2623, de Saméon.
Et autant je trouve assez facilement des circonstances atténuantes à Louis Delannoy, autant le parcours de Pierre Joseph Boulanger est effrayant. Ses sœurs, car aucun de ses frères n’a atteint l’âge adulte, semblent avoir vécu une existence ordinaire, pour leur époque. Lui, en revanche est déjà signalé lors de son passage sous les drapeaux. Sa fiche matricule est édifiante.
Certes, elle contient son parcours après sa libérations du service militaire mais dès 1876, alors qu’il est sous les drapeaux, il est condamné à mort ! On pourra objecter que la peine a été commuée à peu près immédiatement, et qu’elle était tout à fait disproportionnée, du moins suivant nos critères modernes, puisqu’il lui était reproché des « destructions d’effets et voies de fait envers ses supérieurs », le tout en temps de paix. Néanmoins, la peine commuée, en décembre 1879, reste de 20 ans de détention et 20 ans de surveillance de la « Haute Police ». Il ne purge pas 20 ans puisque le 17 septembre 1889 il est à nouveau condamné, par la cour d’appel de Douai, à trois mois de prison pour … mendicité. On voit tout de même le cercle vicieux : sorti de prison, sans métier, peut-être renié par sa famille, et sans ressource, il est réduit à mendier et cela le renvoie en prison. Ce qui ne va pas le sortir de ses travers : le 12 décembre 1893, il est de nouveau au tribunal et cette fois les faits semblent réellement graves puisqu’il y est condamné pour « coups et blessures volontaires ayant entrainé la mort »(1), ce qui doit être cependant moins grave que l’indiscipline militaire puisqu’il n’est somme toute condamné qu’à huit ans de travaux forcés.
A partir de là, on dispose de son dossier de bagnard, consultable aux ANOM. Il permet de savoir qu’il est entré dans la carrière de la délinquance fort jeune puisque sa première condamnation est datée de février 1869, à Valenciennes. Il n’a que 15 ans et demi!
Cette liste de condamnations est certes édifiante mais du coup, je me demande quand il a bien pu exercer le métier de paveur qui est indiqué dans son dossier.
Quoi qu’il en soit, il embarque pour la Guyane le 5 avril 1894, sur le «Ville de St Nazaire». Il décède à Kourou le 19 décembre de la même année, sans que les circonstances de son décès ne soient précisées.
Comme pour mon autre bagnard Louis Delannoy, son décès sera transcrit dans l’état civil de sa commune d’origine, en l’occurrence Saméon. La transcription n’apprend pas grand-chose, sinon le lieu de son décès : l’infirmerie des Roches à Kourou, et il n’y est pas fait mention de son état de bagnard.
Qu’on se rassure, je n’ai pas d’autre bagnard à citer.
- Le dossier du bagne, aux ANOM, précise « sans intention de la donner ».
Image de couverture, bagne de Kourou par Arria Belli, CC BY-SA 3.0 <http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/>, via Wikimedia