Mineurs du Nord et du Pas de Calais en Amérique
J'aurais pu, et peut-être dû caler ici le post que j'ai publié au mois de septembre. Mais à ce moment là, non seulement je ne pensais pas participer au Challenge AZ mais évidemment je n'imaginais pas du tout un thème consacré aux cousins migrateurs. Comme tout le monde, ou presque, j'ignorais que le bassin minier du Nord-Pas de Calais avait servi de vivier aux recruteurs des compagnies minières américaines. Il est d'ailleurs probable que les mines de Belgique ou bien sûr de Grande-Bretagne aient été prospectées de la même manière.
Aux alentours de 1900, les mines américaines manquent de main d’œuvre et les compagnies n’hésitent pas à payer le voyage aux candidats mineurs, sans doute alléchés par des salaires journaliers supérieurs à ce qu’ils connaissent mais personne ne leur dit qu’on travaille pas autant, ou plutôt que le temps de travail n’arrive pas au même décompte ce qui fait que finalement on n’est pas vraiment payé plus alors que le coût de la vie est plus cher. Quant au voyage payé, ce n’est qu’une avance et il est déduit des futurs salaires, ce qui rend le mineur plus ou moins prisonnier de son sort. Il paraît que l’esclavage avait été aboli, et qu’il y a même eu une guerre civile pour ça(1). Mais bien sûr, il a vite été remplacé par des méthodes plus efficaces pour le propriétaire et pas loin d’être aussi dures pour l’ouvrier. Evidemment les recruteurs des compagnies minières américaines ne le disaient pas(2).
Il n’empêche, le flux des mineurs du Nord et de Pas-de-Calais partis extirper la houille des sous-sols américains est assez considérable.
Plusieurs généalogistes nordistes (ou plus ou moins nordistes) croisés notamment via Twitter ont relaté le voyage de cousins mineurs vers l’Amérique. Un exemple est donné par « Genealexis » qui relate sur son site l’aventure de Rosa .
Il n’est pas inintéressant de noter que Rosa part de Liévin, c'est-à-dire d’où vivait Céline Coulon, l’une des cousines citées dans mon précédent post, celui du mois de septembre, et qui est connue outre-Atlantique sous le nom de Charmoulue, celui de son second époux avec qui elle a émigré en 1913, arrivant à Ellis Island sur « La Provence » quand Rosa est elle arrivée en 1908 sur « La Lorraine »… Destins croisés, destins similaires. Rosa arrivera dans l’Oklahoma puis à Charleroi, Pennsylvanie(3). Quant à Céline, c’est à Clinton, Indiana qu’elle se fixera et décèdera en 1965. Son fils, avec lequel je suis vraiment apparenté(4), vivra lui aussi dans l’Indiana après avoir repris, à l’occasion de sa naturalisation si je comprends bien, son nom de Laurent et changé son prénom de Fernand Charles à Frank Charles.
Le même Genealexis vient de donner une nouvelle vie, via Twitter, à un autre post sur la même famille, j'avais d'ailleurs noté d'aller regarder ce qui s'était passé à Coalgate, Oklahoma, le nom de la localité étant particulièrement indicateur de l'activité qui devait être la seule lors de sa création. Le titre du post: "Accident ou meurtre".
D’autres encore sont partis, comme les Ducrotois évoqués sur la page de Marie-Odile(5) avec qui il m’est arrivé d’échanger aussi via Twitter et notamment à propos de ces mineurs américains. Eux, c’est dans l’Iowa qu’ils arrivent, Ils ont émigré en 1903, du moins pour le père de famille après les naissances de trois filles à Fresnes-sur-Escaut, Thivencelles et enfin Hénin-Liétard. Un parcours qui ressemble aussi à ceux de mes lointains cousins Varlez alias Varley puisque François, né à Hélesmes, Nord, en 1861 mais déjà présent en Amérique en 1881 et se marie à Boulder, Colorado avec une fille de mineur venue d’Auchel, Pas-de-Calais.
Il existe de nombreux autres cas de mineurs du Nord et du Pas-de-Calais ayant émigré aux Etats-Unis. Lorsque je me suis intéressé aux Varley, j’ai échangé avec l’auteur d’un arbre Geneanet(6) qui est aussi un gros contributeur du site FindAGrave où il a virtuellement fleuri 2198 sépultures qui sont, sauf erreur, pour la plupart celles de mineurs immigrés ou de leurs descendants. Cela donne une idée de ce flux migratoire. Bien plus faible, c'est certain, que celui des irlandais lors de la grande famine, mais pour autant pas négligeable, et surtout à ne pas oublier.
D’ailleurs, je n’ai pas beaucoup exploré cette base de données que constitue cette liste de sépultures. A l’occasion de cet article, j’ai regardé celles qui se situent à Boulder, Colorado. Et j’y trouve un Jules Merciez, or cette écriture du nom avec un Z final n’est pas si courante et j’en ai récemment rencontré un parmi les conjoints de mes cousins d’ancêtres : un certain Jules, époux de Félicie Blanchart qui n’est autre qu’une cousine de mon AAGP. Ce Jules là est un neveu d’un autre Jules(7) dont la sépulture est aussi à Boulder, Colorado et qui est parti lui aussi de Liévin.
Ce n’est là qu’un exemple, il y a sûrement à creuser en exploitant ces données relatives aux mineurs partis en Amérique. Affaire à suivre, probablement pas dans un futur proche cependant.
- J’émettrai ici une opinion, qui n’est pas celle d’un historien bien sûr. Le nord industriel, celui des Etats Unis, avait besoin de main d’œuvre que l’immigration ne suffisait pas à pourvoir. La population des esclaves du sud était donc une cible, mais l’esclavage en milieu industriel, dans le climat de Chicago ou de New-York n’était pas économiquement viable. Sans doute certains planteurs du sud pensaient-ils maintenir l’esclavage éternellement. Ils n’y seraient de toute manière pas arrivé. La guerre de sécession a donc accéléré la libération des esclaves du sud mais elle y a installé la ségrégation pour des décennies.
- Leurs lointains successeurs qui dans les années 1970 recrutaient des mineurs dans le sud marocain pour le compte des HBNPC ne parlaient pas non plus de l’envers du décor
- Charleroi en Pennsylvanie aurait été nommée par référence à la ville belge et compte une importante communauté d’origine belge semble-t-il liée à l’industrie verrière (tiens, il faudrait que je regarde si je n’ai pas des cousins là-bas) << >>
- Parenté lointaine : il était cousin au 5è degré de mon père et descendant de mes sosa 80 Pierre Joseph Lasser (1760-1838) et 81 Marie Alexandrine Martin (1766-1821)
- Ne pas manquer ses posts du Challenge AZ consacrés au rouchi parlé dans le Nord et plutôt vers Valenciennes, une variante de la famille du picard
- Ce correspondant m’a demandé de ne pas le citer nommément, car il ne serait pas en mesure de répondre aux sollicitations, notamment en raison d’ennuis de santé.
- Selon des données Geneanet que je n’ai pas vérifiées mais qu’il n’y a pas de raison d’écarter a priori.