Sédentaires
Les données généalogiques se prêtent à toutes sortes d’analyses et statistiques, pour peu qu’on en ait envie. Aujourd’hui, je me suis demandé, mais je connaissais bien sûr à peu près la réponse, si mes ancêtres avaient quitté leur vilage.
C’est que moi, je n’ai pas vraiment de village. Bien sûr, le son du carillon du beffroi de Douai est un membre de ma famille mais enfin, il y a tellement d’endroits dans le monde où je ne me sens pas étranger. J’ai été sur tous les continents, sauf l’Antartique. J’ai habité sur trois. Mes ancêtres ont le plus souvent vécu là où ils sont nés, ou tout au moins dans les environs.
Certes, j’ai noté quelques déplacements, à commencer par cet arrière-grand-père venu du Gers étudier à Paris et qui me donne toute une ascendance dans l’Oise. Les autres branches sont presque exclusivement regroupées dans un rayon d’une vingtaine de kilomètres autour du confluent de la Scarpe et de l’Escaut, seul point à peu près naturel pouvant servir de référence.
Il y a quelques exceptions : mon sosa 1480, Jean Raison, serait venu du Puy-En-Velay et si son acte de sépulture, en 1745 à l’âge supposé de 96 ans, le dit natif de l’Auvergne je n’ai aucune idée de la façon dont il est arrivé dans les provinces du Nord. Peut-être fut-il soldat puisque son époque est aussi celle où les armées de Louis XIV arrivèrent dans la région. Ou peut-être fut-il amené là pour participer à l’édification des forteresses dont Vauban dirigea l’édification. Suppositions…
Il y a aussi Stephan Fabritius, sosa 388, dont l’acte de sépulture, en 1741 à Maulde, dit «anno domini millesimo septimgentesimo quadragesimo primo; die septimas septembris obut Stephanus Fabrisius Maria Catharina Deronne maritus anno natus circiter quinquagenta, erat natione germanus, sacramentis munitus et in caemeterio sepultus ». Que faut-il vraiment comprendre de ce « erat natione germanus » ? Un allemand ? Mais peut-être pas au sens où on l’entendrait aujourd’hui. Est-il venu de l’est avec je ne sais quelle armée ? Encore une fois, suppositions…
Tiens, j’allais oublier celle que j’ai appelée « madame Cottrez » dans un précédent post, faute de certitude sur son nom tant il varie d’un acte à l’autre. Elle est née en Lorraine, c’est à peu près la seule certitude que j’aie. Hughes Cottrez, son mari, est dit jardinier ce qu’il faut entendre probablement comme maraicher. Qu’est-il allé faire en Lorraine ? Fut-il soldat ?
Que d’hypothèses militaires… Mais le seul militaire dont j’ai la trace n’est pas un ancêtre, c’est un cousin, c’est le Groulez qui servit au régiment de Metz et dont les éventuels descendants (j’ai perdu sa trace) pourraient revendiquer le titre de « Cincinnatus » si il n'était réservée aux officiers. Pour lui, c’est clair : il figure sur la liste des soldats du corps expéditionnaire que commanda Rochambeau, et son parrain aussi, ce qui me pousse à penser qu’il pouvait y avoir des militaires dans la famille étendue.
J’ai aussi ma sosa 95 née à Nancy en 1788 (selon son acte de mariage mais je ne l'y ai pas encore retrouvée) d’un père né à Raimbeaucourt, toujours dans le périmètre habituel, et d’une mère née à Nebing en Lorraine. Dans ce cas, je pencherais plutôt pour une explication n’ayant rien à voir avec les armées : son père, donc mon sosa 190, Constant Decloquement, était charpentier et je préfère formuler l’hypothèse qu’il a pu parcourir le pays au cours de son apprentissage. Mais là encore, suppositions…
Voilà. Je pourrais ajouter aux exceptions l’ascendance de « notables » venant de l’une de mes arrières grand mères mais en réalité elle ne fait qu’élargir la zone dans laquelle vivaient ces ancêtres. Au lieu de se marier dans leur village natal ou le voisin, ceux-là allaient chercher des alliances au sein de leur classe de censiers. Plus loin géographiquement, mais plus près socialement.
Bref, ce post aura été presque totalement consacré à son introduction. Parmi les ancêtres dont je connais les lieux de naissance et de décès, les deux tiers (66,9% exactement) sont nés et morts au même endroit. Et encore, il faudrait ajouter tous ceux qui n’ont fait que parcourir la courte distance jusqu’au village voisin.
Je me suis un peu amusé à faire varier les options autour de cette statistique (c'est aussi l'avantage d'avoir son outil maison). Quelles que soient les variantes, j'arrive à la conclusion qu'avant le XIXè siècle, on bouge peu, même dans ma branche batelière qui ne me semble commencer à naviguer ailleurs que sur les rivières et canaux du Nord (et de Belgique bien sûr puisque ce sont les mêmes) qu'au milieu du XIXè.
Cependant, il faut modérer la valeur de la statistique quand on remonte dans le temps: si à la génération 9 (avec 0 pour la racine ou donc génération 10 si on part de 1) j'ai encore 65% d'ancêtres connus (il manque tout le Gers), je tombe à 42% à la suivante, ce qui veut dire que ma statistique ne vaut pas grand chose avant le XVIIIè siècle, même si parmi ceux que je connais il y a une grande majorité (75%) de "sédentaires" (que j'avais d'ailleurs plus de chances de retrouver).
Un de ces jours, j'affinerai la statistique en jouant avec les distances entre les lieux de naissance et de décès, voir en incluant le lieu de mariage.